Orobuu

Bois froid

I.
le paysage est plein de croûtes je les gratte
une à une elles me font mal
aussi le grand bol de soupe de ciel
aussi les poulets sporadiques
aussi les gravats noirs et les litres de
nectar de bouillon de veau
aussi le goût menthe du ruisseau
aussi la terre est basse elle est
en arrière goût
aussi le vide ample quelque part
sous les couches de vêtements

II.
poêle à bois de merde on met
notre merde dans le poêle
à bois de merde on
espère que ça va passer
dans le lieu de l’air
on capture le dernier écureuil
de Serbie pour la marmite
mais avant on discute
on demande
aimes-tu tous tes petits os petit écureuil de Serbie ?
et l’écureuil répond
que ses veines sentent
mauvais la mélasse rouge de l’automne
et l’écureuil répond
que ses os ont la couleur jaunie des mayonnaises industrielles
et l’écureuil répond
que souvent il brise la
mini boîte crânienne des escargots
pour aider le
monde à mieux

III.
Veux tu vivre
d'amour et de peaux fraîches et de
se lèche ?

IV.
la nuit cassée en deux
bière blanche et fant-
ômes couperosés
le lave-vaisselle ingurgite tout l’
amour de nos ventres
en une grande ronde grondante d’
amour de nos ventres
reste qu’est inouï sa façon
de craquer l’eau
telle une craie jaune

V.
la pluie aux mâchoires
de fioles
feulent contre les fenêtres tandis que
des poissons
rouges gluants de lumière
vivent bien moins nourris
dans la forêt
heureux allumoirs
en peau de membranes
j’en attrape un je l'offre
au
roi de Souabe
il le nourrit lui brosse les dents chante
avec lui
il oublie son royaume et son royaume
l’oublie
il rase ses cheveux il fabrique
une cabane au creux d’une
vallée verte
puis rédige au bic bleu
“mémoire d'un poisson rouge gluant de lumière”

VI.
ombre sur ombre sur ombre
je fais transpirer à grosses gouttes
les silhouettes que je veux
qu'elles veulent
lointaines
ça se soigne
comme une poche détachée
du monde et
ce qui est intense se décharge
dans ton trou
en troupeau de
fatales foudres
ton tuyau au monde est
plus étroit que l’
intestin d’une abeille
qui agglutine le soleil
pour le chier

VII.
spatial et
cyanure des fruits
encore une route qui
sous le pied est
un œil crevé gonflable et le coeur sensible
des fraises dans les boîtes
en plastique et les tâches de vin
de huit jours et blancs en neige
et les droïdes oiseaux les plumes versées
ou l’
intérieur des pastèques des rouges gorges
tu bois les visages comme des
sirops d’orgeat
les visages te rachètent de porter un masque
le jour décline en pomme de terre
épluchée ou un
roi-de-rats

VIII.
range ta poitrine ce matin elle est
pleine de fleurs
salées
peut-être suspendre aussi
ta cervelle avec deux
pinces à linge pour qu’elle
sèche à côté du
linge de corps
peut-être que tout s’échappe
maculé de sans plomb pour
prendre feu à l’horizon et
automatiquement les bêtes à bon dieu
se clouent au mur
dans l’espoir de vivre plus longtemps et
automatiquement les petites
propriétés bien en boule
dans des sacs plastiques de propriétaires
s’additionnent à la caisse et
automatiquement les cosmonautes
maniaco-dépressifs planent avec
de longs câbles de survie
à la frontière d’une étoile terminante et
automatiquement le cor de brume
chasse ce qu’il y a de malade
et d’errants dans la brume et
automatiquement les bombonnes de
gaz mauves
que t’as sous les yeux
s’écaillent à travers les persiennes et
automatiquement un calmar
prend la place de la langue
pour parler sous
la pression maximale des fosses

IX.
je l’aime pas trop parce qu’il croit à la dureté intérieure il croit qu’il peut tailler son coeur au burin pour en dégager la forme d’un grand principe de vie qui serait celui de sa propre pureté

X.
(bois froid)
j’ai mis mes
bijoux brillants
nacre, onyx et résine bleu
pour être plus belle et moins beau
j’ai déposé une
bille de cristal
au creux de mon nombril
pour savoir
ce qui se passe après la mort
j’ai mis du plomb fondu
dans mes yeux
pour asphyxier la lumière
qu’elle s’écoule en hurlant
(bois froid)
à chaque poignée de boue
une jonchée de crapauds
qui chantent à l’unissons :
un robot de dix mètres
a mouillé la terre
il vomissait des clairières
claires et trèfle vert
avant de ne plus rien faire d’utile et
flétrir
(bois froid)
la blancheur pliée entre
les nuages
pull en laine que la terre
ne veut plus mettre
(bois froid)
les cheveux visqueux aux six sexes
qui accouchent d’
embryons ennuyeux
que récoltent un commerçant local
pour augmenter la réussite
au travail chance en amour opportunités
solides rêves réalisés
(bois froid)
c’est ma broyeuse !
avec sa grêle de dents et sa rivière de
dagues je broie je broie
broie broie broie
j’ai mis des mille-pattes et des
milles feuilles
la broyeuse les a broyés
j’ai mis cinq états-majors en guerre
la broyeuse les a broyés
j’ai mis des bêtes timides
la broyeuse les a broyées
j’ai mis mes proches et mes amours
la broyeuse les a broyés
j’ai mis les contes de fées
les châteaux dans le ciel et les
enfants dans des fours micro-ondes
la broyeuse les a broyés
j’ai mis toutes les salissures sales sous
mes ongles roses
la broyeuse les a broyés
j’ai mis mon poumon spongieux et
et mon pancréas malgracieux
la broyeuse les a broyés
j’ai mis ma mémoire et mes
amulettes porte-bonheur
la broyeuse les a broyés
(bois froid)
la colline vide ses courbes
dans mon estomac
elle y jette la forêt elle y jette
un loup énorme
qui m’avale de l’intérieur
et me régurgite
en pelote de réjection
dans un terrier de
sorcières
pour servir au coin du feu
aux tricots obscurs
araignées dans l’anus
(bois froid)
la mâchoire se libère elle était
serrée comme un piège à ours
des insectes orangés
avec de belles poils
viennent nettoyer la
mâchoire
ouverte

XI.
coule une poisse noire
une telle substance aux animaux
invertébrés
qui s’entre-dévorent de
lentes lueurs

XII.
on a mis du lait
allégé
dans ses algorithmes à l’intérieur du
caisson de chiffres
pour que la
creuseuse creuse
à plein régime
on a mis
des litres de lait de chèvre et de goudron
et
maintenant la creuseuse
creuse vers le fond du monde
à la vitesse de la lumière la
creuseuse est luminique
elle extrait des pâtés de boue
épaisse
des racines crochues et des
squelettes grillés
crânes de diplodocus
sang séché de sangliers
cadavres de stars
pattes de lapins tripes de
triposaure
corps en marmelade d’extraterrestres
boîtes noires d’avions noirz
maladies
marronnes du moyen-âge

XIII.
papier peint
tulipe nacre et acanthes
un jour jaune
une cuisine d’eaux usées
l’échalote et le coca
un morceau détaché des autres
du sucre et Mario kart
une plante verte on dirait que mamie est morte dessus
qu’elle s’est étalée de toute sa poussière
dessus
mamie avait un coeur plus grand
que le mien mais je fais repousser
mon coeur j’essaie
qu'il rejoigne la masse volumineuse
du coeur de mamie

XIV.
à peine endormi toutes
les fourmis rouges qui viennent dépecer
le
le blanc d’oeuf de la voie lactée
quelques rêves avec des
mitrailleuses et des branchies
pour tuer et respirer
quelques petits bonbons collants
à l’horizon
goût citron
quelques câbles qui relient
le monde à l’autre monde et
suspendus par meutes
des babouins en papier bulle
se claquent la carcasse
comme une langue dans ses conduits
quelques gros vents dévorent
le vent plus petit
quelques potelées truites
dans la baignoire qui avalent
l'eau chaude et celle de javel
quelques écrans géants qui diffusent
des monstres géants dans des images
en mangeant nouilles et gyozas
quelques pilous pilous et se
mettre en cacahuète dans
des faitouts de fœtus d'alcool
de paille et de paillettes
quelques branchages défectueux et
purée de pommes à
dessert

XV.
le lierre le grillage les doigts
chansonnette compote de latex
Guðnadóttir
les buissons électriques qui
frémissent entre les vertèbres frisées
la grosse usine qui
plie dans son mouchoir
pile dans sa mâchoire
les gens comme des
leurres séchés
et le long discours occidental
des campagnes révolverisées

XVI.
steak haché frites d’
autoroute
miam

XVII.
arrêter et l’
arrêter
thorax fendu comme une
cruche de métal de mal être liquide et
magnétisme de cervelle de
pingouin

XVIII.
la pluie n’a jamais été aussi acide
évaporation en provenance d'un
pays en guerre
les chansons aussi
bleuâtres jamais
mais on a des parapluies et des
sèche-cheveux

XIX.
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
cuisse claire fendue
y glue l'allu-
minium minimum
transi saisi
petit mort entre ami
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
croûte mou pain de pluie
dos d’os akwakwak anorak
annulé tchoutchou de glouglous
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
arêtes de frites mer d’aortes
baltiques flaques de rates
vol au vent du néant noyau
d’aspirine
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
danse transe vache techno
sac à nacre panse de la vie
palet de sueur apache et
parking des Parques
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
ogives de joie nucléaire
soupe à souhaits fin du Siam
navette à poulet diarrhée de biche
fruit frileux chantilly chatoyante
mayonnaise métallique
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di
astronuit astrocoeur d’astronul astrolinge
dans l’astroessoreuse astropeigne
pour astrocheveux astrocochon
astrogrigri astrorobot astrotripes
astromotosexe astrototosaure
Da ba dee da ba di
Da ba dee da ba di

XX.
une énergie négative
imprègne
la richesse intérieure subjective de ce
cheval cannibale souterrain
alors on coupe son
moteur de mobylette et
sa maman vient le chercher
pour le manger
avec du jus de tomate et
du gel WC
tandis que le soleil casse
son immense crâne
d’évidence
contre un rocher parcellaire
tandis que l’herbe massacre
et que les morceaux d’autruche
ont été
emportés
par la rivière
sans vraiment faire de bruit sans vraiment
faire de vagues
si ce n’est
celui des gencives qui saignent
si t’as une pile à combustion
on pourra remettre sur pied
le grand dinosaure
et le grand dinosaure
suffira à nourrir
toute la vallée des merveilles

XXI.
les insectes portent leurs
calcium millimétré
une grosse tour de béton armée
bazooke le Léviathan
on retrouve sa chair grasse
dans les pâtisseries industrielles
dans la composition des crèmes
et des petits beurres
on retrouve le Léviathan dans
la tristesse des gens ne dit-on
pas
tu es triste comme le Léviathan
on retrouve le Léviathan dans
l’odeur du soja chaud ne dit-on
pas
ça sent le sang chaud du Léviathan
on retrouve le Léviathan dans les
paquets de chips ne dit-on
pas
une écaille salée de
Léviathan

on retrouve le Léviathan dans
le travail de tous les jours ne dit-on
pas
aujourd'hui j’ai bien travaillé pour le Léviathan le Léviathan sera
satisfait

XXII.
duvet d’eau sur la vitre
pas moche pas beau
juste

XXIII.
je tire sur mes joues
elles s'allongent comme des
feuilles de chou
je mets mes feuilles de joue rouge dans
le bouillon de poule qui frémit
comme mon petit pull rouge
frémit sous ma chou
à la peau rouge de feuilles de joue rouge
dans mon bouillon de pouls
mon pouls au pot
tout ça me serre
le poul le chou les joues le pull
les mots
peut-être qu’on se serre
autour

XXIV.
on a rejoint l’abri au
fond du jardin
dedans il y avait
une tronçonneuse à reins ou
à rien
(la notice a blanchi)
des osselets
(on les a lancés on a gagné)
un abricot sec avec
une mouche rangée dans son
sang
un psychothérapeute en papier
mâché
une ogive apocalyptique
(on l’a essayé on est mort)
un dinosaure de Jurassic Park
mangeant des enfants en
polystyrène
le ventre du père noël dans un bocal
de formol
un porc en porcelaine
une anémone
des canifs pour tuer la viande
du Christ
des fruits de la passion une
cervelle augmentée
des asticots cryogénisés
pour pêcher des poissons
inés
une étoile de mer
naturelle
un paquet de chamallow
(on les a tous mangés)
un soldat revenu de la guerre
avec un choc post traumatique
un livre sur les
nénuphars
comment ils sont plats comment ils flottent comment ils fleurissent comment ils rongent la surface de l’eau
et une intelligence artificielle
qui racontent une histoire :

dans une forêt étrangement animée, des dauphins humanoïdes alcooliques, surnommés les Aquabacchus, transformaient les nuits en célébrations bruyantes. Leur passion singulière consistait à chasser les animaux pleureurs, convaincus que les larmes donnaient une saveur unique à leurs boissons d'algues fermentées. Lorsqu'un voyageur curieux, Emma, s'aventura dans cette étrange enclave, elle se retrouva plongée dans une symphonie surréaliste où les dauphins festifs et les pleurs d'animaux fusionnaient sous la lueur magique de la lune.