c'est un étang à bouledogues les gens amènent leur bouledogue et l’étendent dans l’étang et le bouledogue dans l’étang se dilue il fond comme un efferalgan alors je vais voir les gens droits dans les yeux je m'inquiète de ce phénomène je leur dis que ce n’est pas normal que leur bouledogue fond dans l’étang qu’il ne devrait pas faire ça que c’est même plutôt cruel pour les pôvres bêtes même si je n’aime pas trop les bouledogues à cause de la bave et les gens me répondent mais non mais non voyons il n’y a pas de problème c’est pour que les bouledogues deviennent des boules de gommes et les gens me montrent la grosse usine sous l’étang une énorme usine D&R que je n’avais pas vu parce qu’il faut regarder sous l'étang pas sous l'eau de l’étang non vraiment sous l’étang où se dresse l’usine étincelante comme un millier de soleil miniature on dirait une armure de chevalier légendaire ou un quartz plus grand qu’un hangar à vaches les bouledogues des gens fondent et finissent dans l'usine pour produire des boules de gommes aux parfums fleur d’oranger fraise pamplemousse le tout roulé dans du sucre semoule je suis intrigué tout ça me laisse immensément perplexe j’ai du mal à y croire je demande aux gens comment les ouvriers de l’usine font pour ne pas se noyer les gens me répondent que les ouvriers de l’usine sont tout simplement des poissons et je saisis leur logique évidemment que des poissons peuvent vivre sous l’eau il ne pouvait pas en être autrement mais est-ce que des poissons peuvent être des ouvriers d'usine qui transforment les bouledogues en boules de gomme c’est une quantité de travail et une maîtrise technique que les poissons ne possèdent pas mais les gens me rassurent en m’affirmant que c’est possible puisque ça se fait les gens essaient par tous les moyens de me rassurer parce que ça ne me met pas bien cette situation ces gens sont sympathiques mais mon angoisse grossit elle occupe tout mon corps de l’intérieur comme si un ballon d’hélium anxieux gonflait et remplissait tout mon organisme en repoussant les organes plus au fond et ma chair plus aux extrémités on dirait qu'on touche ma peau à l’envers c’est une sensation désagréable que connaissent bien celles et ceux que l'angoisse saisit à vif comme un steak frites alors je regarde le soleil se coucher au loin tel l’asphyxie longue d’un poisson rouge sur un tapis en tissu c'est très triste et très très beau c’est une sensation bien plus agréable maintenant les gens sont partis il n’y a plus personne tous les bouledogues ont fondu le soleil a cessé de trembler à l’horizon comme une omelette crue je distingue à présent une nouvelle lumière pas très loin aux abords de la forêt c’est le genre de lumière qui intrigue et pose question en tout cas elle ne laisse pas indifférente on veut s’en approcher pour avoir la certitude qu’elle existe et que ce n'est pas juste une fiction dans notre tête ou une imposture de la réalité voir un simple fabliau mais non quand j’y arrive il y a une famille autour d’un feu et un camping-car c’est une famille qui a l’air unie et aimante bien coordonnée dans sa bonne humeur une famille qui a l’air de savoir profiter de ce qu’elle partage à l’instant T il y a des sièges en résine tressée une glacière une nappe avec des victuailles mais très rapidement j’observe que c’est un enfant qui cuit dans le feu pour servir de repas c'est une pratique qui me laisse sous le choc et me glace d’effroi je m’éloigne discrètement pour appeler les autorités compétentes elles me répondent qu’elles ne sont pas en mesure d’intervenir pour n’importe quoi les autorités me demandent même si je n’ai pas confondu avec un poulet parfois les enfants ressemblent à des poulets rôtis quand on les cuit les nuances s’estompent et il arrive que l'on se trompe alors je vais vérifier j’ai de plus en plus mal aux vertèbres à cause du froid si certaines personnes claquent des dents avec les températures basses moi ce sont mes vertèbres qui se resserrent je retrouve ma petite famille elle joue aux jeux de société en grillant des chamallows et en mangeant de l’ice-cream dans des assiettes en carton je ne vois plus de poulet en forme d’enfant en train de cuire tout est revenu à la normale souvent on se fait des idées nos sens nous induisent en erreur et on croit voir des choses qui n’existent pas tout ce qu'il y a devant moi c'est simplement une famille heureuse caractérisée par une bienveillance mutuelle où tout le monde prend soin de l’autre et je me dis que j’ai de la chance d’être le témoin privilégié de leur bonheur cette pensée en poche j’estime qu’il est temps pour moi de partir mais le papa m’a vu il vient vers moi et me dit mon fils pourquoi tu ne nous rejoins pas nous avons faim et tu es un enfant poulet bien nourri et c'est vrai que je ne m'étais pas rendu compte que j'étais un enfant poulet bien nourri il semble que mon père veut me dire quelque chose à ce propos il m’accompagne jusqu’au bord du lac il veut me dire quelque chose sur le sens de la famille il veut dire quelque chose que seul lui a pu apprendre au fil des ans grâce aux années qu’il a passées à défoncer le monde qui l’entoure ce n'est pas parce que je ne te dis jamais que je t’aime que je ne t’aime pas tu sais puis il plonge dans le lac et disparaît en entier dans une loutre et les étoiles ressemblent à des piqûres de moustiques illuminées il y a des masses sombres qui remuent à la surface du lac je ne sais pas de quels animaux il s’agit j'obtiens rapidement plus d’informations quand l’une de ces masses émerge de l'eau c’est une sirène elle me dit que j’ai l’air triste je confirme c’est un peu comme si une poutre craquait et qu’une alvéole s’écroulait sur elle-même dans la vieille maison de mon coeur la sirène me propose une chirurgie cardiaque pour redresser mon alvéole mais je lui dis que c’est une métaphore on ne guérit pas une métaphore avec une opération chirurgicale imaginaire et de toute façon on ne guérit pas une métaphore ça ne se guérit pas le langage car le langage n’est pas malade ou en bonne santé il est juste là implacable et aquatique dans la bouche et léger sur la langue la sirène me répond que si si elle peut guérir mon coeur alors je lui dis d’essayer et la sirène m’ouvre la poitrine avec une carapace d’écrevisse tranchante c’est une belle carapace elle est bleue électrique et porte des inscriptions en alphabet cyrillique d’hippocampe et sur les ongles de la sirène il y a un vernis un de ceux que j’aime beaucoup et que je met souvent un bleu métallique ainsi donc avec la carapace tranchante la créature m’ouvre la cage thoracique de la même manière qu’on ouvrirait une canette de bière je ne sens rien parce que la sirène opère dans le monde du langage et des métaphores la douleur que je ressens n’est pas celle d’une réelle ouverture de ma poitrine mais ça me fait quand même quelque chose dans la tête c'est psychique ça donne l’impression que quelque chose se détrempe en moi l’impression d’être un sparadrap mouillé après la douche mon sang se répand sur la nageoire de la sirène sur ses écailles le sang sur les écailles c’est hypnotisant c’est du yoga toujours ça me scotch à la réalité c’est le même sang qu’on voit sur les étales de poissons au supermarché ou le même que sur les queue des lézards tranchées ça ressemble à du sang sur du carrelage puis la sirène trifouille dans mon coeur ça me couple le souffle ça ne dure que deux secondes interminables je me sens piégé à l’intérieur de moi-même comme si j’étouffais dans mes pensées comme si je me noyais dans mon âme comme si je m’étranglais à la porte des ravissements puis la sirène referme le capot je n’ai pas de cicatrice elle a nettoyé les plaies à la magie je t’ai mis un cristal de rose dans le coeur ça soutiendra toute sa structure en le faisant fleurir si ton langage t’a rendu malade le mien te guérira c'est vrai que je me sens un peu mieux on dirait qu’une cire chaude coule dans ma poitrine ça va mieux je remercie la sirène une lumière jaune et mauve se dégage d’elle une sorte d'aura visqueuse sortie d'un tableau d’Odilon Redon elle disparaît dans l'eau saumâtre la lune s’y reflète formant une purée de céleri coruscante je me sens bien c'est comme si mon corps se remplissait d’une nouvelle substance plus amicale et plus douce une sorte de bouillon de poule revigorant du chocolat chaud et les étoiles deviennent des amies lointaines des connaissances oubliées qui traversent l’ongle des trous noirs et l’absurdité frontale des champs d’astéroïdes pour finir en un lilliputien linéament dans mes yeux je remonte à l’intérieur de ma twingo 2 grise qui sent la boue fraîche et le caoutchouc ancien elle démarre mal à cause de la batterie pourtant le garagiste a dit qu’il avait léché la batterie jusqu'à ce qu’elle soit comme neuve j’ai même mis mon personnel à contribution on s’est relayés jour et nuit pour lécher la batterie elle a un goût de glace vanille c’était vraiment inouï ce mélange entre nos muqueuses et l’électrolyte on aurait dit des anges m’a-t-il indiqué avant que je refuse de payer parce que ce n’est pas comme ça qu’on répare une batterie de twingo 2 franchement c’est pas sérieux de la part du garagiste je vais chez lui pour récupérer un véhicule en état de marche et j'apprends qu’il a nettoyé la batterie en appliquant une pratique fétichiste inadaptée je m’en vais furieux c’est comme si ma poitrine devenait une sorte de mug en terre cuite avec du thé bouillant à l’intérieur et le monde autour se couvre de buée je suis en nage je me rends au parc c’est un parc où barbottent des canards des cols-verts des oies des gallinules des poules-d’eau et un groupe de foulques macroules qui ne sont pas comme tous les foulques macroules des autres étangs des autres parcs en effet les foulques macroules en général ne possèdent pas un cerveau en dehors de leur peau à la place du plumage une jeune femme leur donne du pain c'est un pain orange je lui demande pourquoi le pain est orange elle me répond que c’est parce qu’il est plein de jus d’orange il y a pourtant des panneaux qui disent qu’il ne faut pas donner du pain orange aux foulques macroules mais peut-être elle ignore ce qu’est un foulque macroule et elle ne se pense pas en infraction elle se dit que peut-être le foulque macroule est une espèce de poisson invertébré et décérébré ce qui ne correspond pas du tout à ces canards aux cerveaux extérieurs devant nous ou alors elle croit que les foulques macroules sont des cols verts moi-même je ne savais pas ce qu’était un foulque macroule avant de chercher sur internet et j’ai toujours cru que c’était une espèce de poule d’eau malgré des différences qui aujourd'hui me sautent aux yeux et me paraissent d’une évidence exceptionnelle je finis par lui dire qu’elle nourrit des foulques macroules et que c’est défendu et elle rit au nez de mes bêtises est-ce qu’un foulque macroule possède un cerveau qui sort comme ça de sa cavité cranienne ce ne sont pas des foulques macroules effectivement cette personne a absolument raison je m’éloigne un peu honteux d’avoir été si singulièrement idiot et incapable en tout cette impression d'être une caillou mort dans le mouvement archaïque d'une orbite nulle ou l'épluchure d’une clémentine gâtée j'ai bien envie d’en finir là maintenant je pourrai me jeter d'un pont ou d’un building me jeter sous une voiture et tandis que je pense à ces choses le vent s’engouffre au creux d’un saule pleureur en remuant sa tristesse comme un sac de pierres précieuses ou une perle d’électricité c’est fabuleux ce vent épais d’avoine translucide qui démêle mes cheveux comme une brosse en ciel tiède mes yeux deviennent des géodes efflorescentes j'aperçois alors un monde de fluor et de condensation dans lequel se noie l’immensité planétaire de mes sensations firmamenteuse je m’enfonce sous le saule pleureur et de ses tiges goutte une élixir qui entartre le sol boueux des grenouilles je découvre une cavité qui entrouvre le flanc du saule comme un paquet de chips ouvert je regarde à l'intérieur il y a effectivement des chips cette métaphore est nourrissante me dis-je en croquant une chips ondulée mais hélas le goût ketchup je n’aime pas trop je préfère les chips nature je regrette amèrement que cet arbre ne possède pas de chips à la nature tandis que la boue à mes pieds m'avale ce qui fait que je m’enfonce inexorablement j’en viens à me demander si je ne suis pas vivant c'est vrai que mon corps n'est pas tellement vivant j’avais oublié je suis peut-être mort à un moment sans m'en rendre compte c’est pour ça que ma peau me gratte tant et tant que lorsque que je la gratte ma peau me gratte et meurt elle est transformée en poussière en minous minuscules en punaises de lit que le soleil échauffe aux abords des fenêtres ou alors c'est un psoriasis je ne conseille à personne de se décomposer plus vite qu’on ne se recompose par renouvellement cellulaire ça craint je me dis que les pensées fonctionnent peut-être aussi de cette manière parfois je me dis qu’un psoriasis des pensées existe que les peaux mortes des pensées deviennent plus nombreuses que les peaux vives des pensées et alors on est malade les idées nous démangent elles nous grattent jusqu'à l’os on hallucine je me dis que c'est peut-être ce qui est arrivé aux faux foulques macroules de tout à l'heure leurs idées mortes ont submergé leurs crânes tandis que des crabes m’accueillent sous terre dans les torrents de vases des crabes et des grenouilles et parmi elle un crabe ninja qui a l’air de connaître dix milles techniques il a dû faire le tour du monde des dojos de crabes de combat pour en apprendre plus sur la technique et les 4 grenouilles forment ses disciples ça ressemble aux tortues ninjas mais la différence est de taille surtout au niveau des prénoms la première grenouille s’appelle Munch elle essaie d’empêcher son visage et tout son corps de devenir un tourbillon incontrôlable un empire de fumerolles spiralées venant s’abattre sur l’humanité tel un fléau biblique où de bodybuildés vents gonflés feraient s’effondrer les mégapoles comme des meringues anxieuses alors Munch retient toutes ses tempêtes et tornade dans les limites intérieures de son être la deuxième grenouille s’appelle Gérard de Nerval elle rêve éveillée ça n’a pas l’air original comme ça de rêver éveillé c’est même un cliché éculé employé notamment par l’imagerie capitaliste et utilitariste tendant à souligner qu’il faut faire preuve de réalisme et de pragmatisme et que ce qui déborde du cauchemar de nos sociétés technologiques serait de l’affabulation vaine ou du creux qui se creuse ou de la rêvasserie mais ce n’est pas ça rêver éveillée la grenouille Gérard de Nerval précise le monde est une sorte de bouillon étrange où se mélangent les souvenirs les fantômes les vivants les morts les fantasmes les fantasmagories les désirs les idées les mythes les délires les espoirs les divinations les prophéties et rêver éveillée c’est ressentir les courants profonds et les migrations qui animent ce bouillon étrange quant aux deux autres grenouilles je n’ai pas le temps d’en apprendre plus la coulée de boue m’entraîne ailleurs c'est semblable à un toboggan mais en beaucoup plus boueux parce que constitué de boue je finis par atterrir au bout du torrent dans un lac souterrain il y a une bête dans l’eau je la sens remuer elle a des dents plus longues que des bazookas elle pourrait me dévorer elle a déjà dévoré ses enfants aux dernières nouvelles que j’ai de cette bête et je sens que je suis un peu son enfant rien que le fait de penser qu’il y a les squelettes de ses enfants dans son ventre me laisse des séquelles la bête émerge de l’eau ténébreuse et ultra sombre elle est immense de la taille de six chevaux elle a des cheveux des cheveux immenses de la taille de six chevaux elle a des yeux des énormes yeux de la taille de six chevaux elle a une gueule une gueule énorme de la taille de six chevaux elle a des nageoires effroyables des nageoires de la taille de six chevaux je ne me laisserai pas dévorer ça non je nage pour fuir et la bête s'apprête à me faire rejoindre les mondes gélatineux de son organisme antédiluvien lorsque la troisième grenouille apparaît pour me sauver elle utilise des techniques incroyables de ninjutsu pour éloigner le bestiau de six chevaux par rapport à moi et l’enfoncer dans les plis sans fin de la matière noire centrale de nos coeurs vides cette grenouille s’appelle Brueghel elle se transforme et se métamorphose sans cesse changeant de visages de corps de vêtements de peau elle se clone se multiplie s’unifie s’analyse et se synthétise grenouille aux milles facettes elle est vulgaire et perméable et d’elle s'épanche comme une sève lente et collante qui est toute la substance morale du monde puis la Brueghel me guide jusqu'à la surface il y a un ascenseur puis un escalator puis un second ascenseur on ne discute pas beaucoup parce qu’une grenouille ça ne parle pas beaucoup puis on monte un monte-charge et je me retrouve à la surface une lumière émerveillée bat des oeufs en neige dans le ciel tout est très joli un vallon couvert de pâturages des rochers clairsemés comme des crottes de phoques et les papillons qui arriment et les reines-des-prés et les lilas et les fleurs sauvages et les vaches qui paissent et pissent et les petites chapelles en pierre égarée et les cabanons et la forêt adossée aux restes du monde et quelques rivières qui coulent comme des voies lactées j’ai les yeux qui brillent de mille feux de mille éclats de joyaux cristallins aux lueurs liliales je me dirige vers une personne assise sur un banc en plastique elle est allongée et porte un pull mauve magnifique n’est-ce pas ? la personne me répond que c’est un Fake et elle appuie avec son pouce sur le paysage et une énorme barre de recherche s'affiche où il est écrit “choisis ta destination de rêve” c’est une fausse image générée par une IA avec un prompt “vallée merveilleuse contenant des pâturages des fleurs une forêt des rivières” et voilà le résultat me dit la personne au pull mauve je suis complètement surpris et décontenancé je ne sais pas où me mettre je me sens ridicule de m'être fait avoir par la création d'une intelligence artificielle mais je tiens à souligner auprès de la personne au pull mauve que l’intelligence artificielle peut produire des images industriellement à partir de mots mais qu’elle est incapable d’imaginer tandis que si j’écris “vallée merveilleuse avec des pâturages des fleurs une forêt des rivières” je peux imaginer plein de choses cette capacité m’appartient c’est dans les facultés de mon être elle m’est propre et inaliénable sauf à me donner des traitements chimiques notre imagination c'est ce qui nous fait et la personne en pull-mauve me dit que peu importe le résultat est le même si je dessine avec mon imagination une vallée merveilleuse et de pâturages de fleurs une forêt des rivières ça produit un dessin que l’IA sait faire aussi donc peu importe et c’est là que je comprends que cette personne au pull mauve applique un prisme néo-capitaliste utilitaire à sa manière de voir le monde et maintenant il s’agit de savoir qu’elle est ma destination de rêve je tape “la vallée de l’ombre de la mort” et la recherche répond “aucune destination ne correspond à votre recherche” je tape “la vallée de l’étrange” et la recherche répond “aucune destination ne correspond à votre recherche” je tape “le lac d’indifférence” et la recherche répond “aucune destination ne correspond à votre recherche” je tape “le pays imaginaire” et la recherche répond “aucune destination ne correspond à votre recherche” je tape “la vallée des merveilles” et la recherche répond “La vallée des merveilles est un havre de paix où la nature règne en maître. De vastes prairies verdoyantes s’étendent entre des montagnes majestueuses, leurs sommets couronnés de neige étincelante. Des cascades limpides s’élancent des hauteurs, formant des rivières qui serpentent paisiblement à travers la vallée. Les arbres, chargés de fruits éclatants, offrent de l’ombre et une explosion de couleurs, tandis que des fleurs sauvages tapissent le sol de nuances vives. Le murmure de l’eau, le souffle léger du vent et les bruits doux de la faune créent une atmosphère de sérénité, un sanctuaire où règne une harmonie parfaite entre vie et paysage” je valide et me voilà au milieu des fruits éclatants je cueille un kiwi jaune et je cueille une nectarine et je pêche des truites arc-en-ciel dans les rivières luisantes je me construis un hôtel avec des petits déjeuners continentaux et pension complète je récolte des pommes de terre luxuriante des betteraves resplendissantes des choux rouges phosphorescents je dévore des crevettes roses je cuisine des cerveaux de canards confis des ribs de porcs féeriques des brocolis moirés je bois des Heinekens flamboyantes je me baigne dans des lagons d’eau tiède je me dore la pillule je m’enfonce ouvertement dans une consommation effrénée des merveilles qui m’entourent pour mon propre contentement puis j'embarque sur un gigantesque paquebot de croisière 112 étages 28000 pizzerias 1600 piscines et salles de sport des casinos des opéras maladie se répand un mélange de gastro-entérite et de peste butonique les gens vomissent et chient par toutes leurs plaies tous les trous tous les pores le bateau se remplit de merde nourrissante on glisse dessus on se noie dedans je ne me sens pas bien je m’isole dans ma cabine ça me rend anxieux j’ai la main qui tremble toute seule et mon ventre est comme une châtaigne pleine de picots de poisse pleine de pétrole corrosif un oursin qui colle je finis par vomir et chier aussi mais c’est pas pareil je vomis et chie des autres moi plein d’autres moi en plus petits de vrais boules d’énergie et de vitalité certains moi en merde et d’autres en vomi et ces petits moi s’entre-dévorent ils se bouffent de l’intérieur ils se dévorent eux-mêmes et dévorent les autres eux-mêmes qui sont moi ça n’a pas de sens pourquoi je suis pas malade comme les autres avec une maladie normale le médecin du paquebot me dit que j'ai un variant une souche particulière le médecin me dit je ne vois pas ce que je peux faire mais votre maladie a tendance à se détruire d’elle-même de l’intérieur vos petits vous aussitôt naissants aussitôt dévorés c'est la dévoration ces petits vous disent quelque chose de vous de vos angoisses vous dévorez-vous corps et âme ? c’est vrai que parfois c’est comme si mon ventre était une mâchoire et mes organes des paquets de cacahuètes comme si mon nombril était une sorte de trou vorace il m’a dégluti sur terre et maintenant il veut me ravaler de travers et s’étouffer c’est comme si je m’étouffais de moi-même dans mon nombril qui me mange mais le médecin m’écoute distraitement il ne comprend pas grand chose il se demande ce que je raconte comme conneries il me dit qu’il n’a jamais vu un organe devenir un paquet de cacahuètes de même il est extrêmement circonspect sur cette question de nombril qui me mange il n’a jamais vu ça et il n’en a jamais entendu parlé pourtant il m’assure qu’il se rend à de nombreuses conventions même parfois sur des sujets ésotériques lesquels bien que pouvant prêter à sourire dans un premier temps s'avèrent néanmoins source de découvertes pour le moins étonnantes je peux vous proposer une radio de votre ventre voir s’il mange effectivement vos organes sous forme de mâchoire et si vos organes font saliver votre ventre en prenant des dispositions de paquet de cacahuètes ni une ni deux me voilà au service radiologie où la radiologue me demande de retirer mon t-shirt puis grâce à des manettes elle actionne une machine qui tournoie autour de moi en envoyant des batteries de rayons x pour avoir connaissance de l’intérieur de ma poitrine ensuite elle consulte les résultats et me fait savoir qu’il n’y a que des coquillettes au fromage elle me montre les images et je vois effectivement un fond de coquillettes remplir mon bassin quand vous les mangez elles glissent en dehors de votre estomac par un effet étrange mais en tout cas je vois pas de quoi s’inquiéter je ressors de tout ça complètement rincé une grande fatigue mes cernes ressemblent à des insectes écrasés sur un pare-brise mes cheveux sont remplis de coquilles de fantômes je prends une chambre à l’hôtel le plus proche j’espère dormir pour la nuit des temps dormir des siècles et des siècles me recroqueviller dans l'oubli mais je n’ai payé qu’une seule nuit dès demain matin des personnes viendront nettoyer ma chambre je ne sais pas ce que j’y laisserai peut-être une mue de moi-même une mue dans la salle de bain après ma douche mais c’est dégueulasse de faire ça pour les personnes qui travaillent à la propreté ce n’est pas respectueux de leur travail et je suis plutôt du genre à refaire le lit j’allume la télévision il y a une émission américaine qui montre des américaines et des américains qui achètent des box aux enchères dans l’espoir de toucher le gros lot justement le commissaire priseur ouvre le box 136 et lance les enchères et l’une des américaines qui est venue avec un gros rover lance les prix et un autre américain monte l’enchère jusqu'à ce que l’américaine gagne l'enchère avec 1348 dollars et le premier carton qu’elle ouvre contient des bocaux de larmes de crocodiles elle dit 10 dollars par bocal il y en a 12 donc 120 dollars puis elle ouvre un carton qui contient des rêves brisés elle dit 4 dollars le morceaux de rêves brisés il y en a 23 donc 92 dollars puis ensuite elle ouvre une dizaine de cartons qui contiennent des êtres humains qui agonisent elle dit 14 dollars par être humain qui agonise 62 êtres donc un gros paquet de fric j’éteins la télévision je suis fatigué je m'endors doucement il règne un silence de boule de cristal l’intérieur standard de la chambre d'hôtel me donne l’impression que je ne pourrai pas mourir des pensées m’envahissent elles brûlent et s’éteignent dans ma tête de vrais allumoirs chinois d’un coup je suis amoureux et ensuite je ne le suis plus d’un coup je suis en colère contre le monde et ensuite je ne le suis plus d’un coup je me dis que Dieu existe et ensuite il n'existe plus d’un coup je me dis que l’avenir est radieux qu’il y a plein d’écureuils magiques et de noisettes multicolores et ensuite le monde est sombre rempli de menaces de mouches perpendiculaires des araignées qui tordent les veines des animaux spongieux aux linéaments vertébraux d’un coup j'ai des papillons dans le ventre qui battent des ailes pour produire des cataclysmes chaleureux ou d’exquis rosissement et ensuite j’ai le ventre plein d’osselets qui obscurcissent de leurs runes mes lendemains je me tourne et me retourne dans le lit assailli de toutes ces pensées qui me happent je finis par me lever et me rhabiller je mets une belle robe bleue nuit qui scintille la même robe que la reine de la nuit interprétée par Diana Damrau dans la flûte enchantée de Mozart que vous pouvez voir sur Youtube elle est magnifique cette robe parce qu'on dirait que c'est peu à peu la gorge de Diana Damrau qui devient une voûte nocturne scintillante une peau humaine qui devient une peau de nuit étoilée presque naturellement je trouve que c'est magnifique et que ça dévoile comme un rapport sirupeux et amiotique entre l’existence et l’univers je crois même qu’on appelle ça la mélancolie c’est une forme d’ambre une substance vive qui coule et devient inerte mais reflète les rayons du jour je ne suis plus fatigué je peins mes ongles en mauve holographique puis je vais marcher dans la nuit je longe la Loire la masse olivâtre d’eau somnolente coule sous une lune aussi ronde qu’un rêve de géomètre tandis que les rangées d’arbres sur les berges forment de longues nervures noires de fatigue fossile un bâteau suit son cours il gonfle l’atmosphère de clartés vertigineuses et de musique techno je plonge dans l’eau pour le rejoindre une fois à bord il y a plein de gens qui dansent c'est une soirée versicolores les gens ressemblent à des bonbons j’ai envie de danser alors je danse deux heures puis je fais une pause pour prendre le frais mon regard se perd dans l’eau olivâtre elle ressemble à un jus de pomme trouble et là une personne avec une apparence de héron vient s’appuyer à côté de moi je ne sais pas vraiment différencier le héron gris de la personne ou la personne du héron gris sous certain angle j’apperçois un être humain sous d'autre un magnifique héron gris une bête digne et d’une beauté parfaite d’une tendresse de fin de vie quand les choses s’éteignent et que nous sommes toutes et tous d’accord avec ce qui arrive que c’est ainsi parce qu’il en va de ce que nous sommes en nous-même sincèrement je vois tantôt des bras et des mains fines comme du sable tantôt des ailes aux plumes de fer et d’argent et d’ardoise aussi douces que le firmament ou que les souvenirs de campagnes verglacées les souvenirs de balançoires sur lesquelles on essaie de toucher le ciel les souvenirs des gaufres de mamie alors je m’effondre je pleure toutes les larmes de mon corps je puise les larmes dans mes yeux mes mains mes ongles mes pieds mes cheveux mon coeur mon foie ma bouche je puise toutes mes larmes et les déverse ailleurs et le héron humain me prend dans ses bras me sert fort tantôt je suis contre sa peau en sueur tantôt contre son duvet soyeux et gras ses ailes immenses m’enserrent comme une fiole ou un chrysalide je pleure tantôt sa peau se mouille et s’imprègne de mes pleurs tantôt mes pleurs glissent sur son plumage imperméable puis je m’enfonce dans le héron comme on s’enfonce dans une forêt au printemps ou en hiver et le héron déploie ses ailes et s’envole.